Beni : des femmes pygmées victimes de viols « silencieux » dans des sites de déplacés à Oicha

Les femmes et filles pygmées sont violées dans les sites de déplacés en commune d’Oicha dans le territoire de Beni. Cependant, ces victimes qui ignorent leurs droits ne dénoncent pas leurs bourreaux.

La prénommée Zawadi, un nom que nous lui donnons pour préserver sa dignité, est une jeune fille pygmée vivant dans le site des déplacés internes au quartier Oicha Premier en commune d’Oicha. Zawadi se souvient qu’elle a été emmenée de nuit dans une maison par un homme. Ce dernier l’avait trompée en lui promettant de la nourriture. Malheureusement, il en a profité pour violer cette fille pygmée. La victime, qui ne connaissait pas son cycle menstruel, est tombée enceinte, mais son bourreau n’a jamais été inquiété.

« Il m’a forcée à coucher avec lui. Il m’a fait entrer de force dans une maison. Ce jour-là, je suis tombée enceinte. Cet homme, que je connaissais bien, a ensuite nié la grossesse et m’a délaissée. Je ne l’avais pas accusé parce que je ne savais pas comment ni où accuser ceux qui violent les filles pygmées. Dans notre camp, nous n’avons jamais été sensibilisés sur la façon de dénoncer les violeurs », a-t-elle dit.

Elles sont nombreuses, ces femmes pygmées victimes de viol. Dans le même site de déplacés en commune d’Oicha, une autre femme pygmée, qui s’est exprimée sous anonymat, a aussi été abusée sexuellement il y a 2 ans. Selon elle, un homme l’avait emmenée dans un champ aux alentours du camp et avait profité pour abuser d’elle. Cette femme pygmée, qui ignore son âge, a conçu un enfant, malheureusement décédé lors de l’accouchement.

« J’ai été surprise de constater que quelqu’un avait abusé de moi sexuellement. Ici, à côté de la maison, je suis ressortie déjà enceinte. Je n’en connais pas l’auteur. C’est mon père qui s’est occupé de la grossesse. Mon enfant est malheureusement mort. Je ne savais pas où était son père, je suis restée comme ça, sans dénoncer », témoigne cette autre femme pygmée.

C’est dans ce contexte que Jean-Pierre KISUBU a décidé de s’inscrire à l’université. Il a ainsi choisi la faculté de droit afin d’acquérir des connaissances juridiques pour défendre la cause des peuples autochtones qui ignorent, pour la plupart, leurs droits et devoirs.

« Ces abus sexuels qui se commettent sur les filles et femmes pygmées font partie de mes motivations pour poursuivre mes études supérieures en droit. Pour que je sois un jour un défenseur judiciaire de plusieurs tribus, surtout du peuple pygmée. Je crois qu’à la fin de mon cycle, je serai déjà capable de le faire. J’ose croire que les femmes pygmées ne dénoncent pas les gens qui les violent car elles n’ont pas d’accompagnateurs. En tant que leader pygmée, nous les encourageons à toujours dénoncer », conseille Jean-Pierre Kisubi.

Le service genre, famille et enfant de la commune d’Oicha reconnaît certains cas de viol sur les femmes et filles pygmées dans les sites de déplacés internes. Furaha MASIKA, cheffe de ce service, appelle non seulement les victimes à avoir la culture de la dénonciation, mais aussi leurs leaders qui participent à des ateliers sur les violences sexuelles à toujours restituer aux autres les notions apprises.

« Nous avons été informés des cas de viol dans les sites. Les victimes ne sont jamais venues ici pour dénoncer. Je suis vraiment étonnée de ce comportement. C’est ainsi que nous avons été associés à des formations sur les VBG et les pygmées ont pris part à ces ateliers où on nous a expliqué les procédures de dénonciation. Je souhaite que ces leaders pygmées soient en mesure de restituer la matière apprise et non la garder en tête pour qu’on soit en mesure de les accompagner », dit Furaha Masika.

Il faut dire que, dans la région de Beni dans la province du Nord-Kivu, plusieurs familles de pygmées vivent dans des camps de déplacés depuis l’avènement de la guerre dans l’Est du pays. Ces derniers ont abandonné leurs champs dans les villages du territoire de Beni au Nord-Kivu.

Wynnie Lusenge 

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