Polémique autour des honneurs militaires accordés à un diplomate rwandais à Goma : le journaliste Nicaise Kibel’Bel recadre le président de l’Assemblée nationale [Entretien]

Les honneurs militaires rendus mardi 5 novembre 2024 à Goma au ministre rwandais des Affaires étrangères font polémique. Le président de l’Assemblée Nationale a exprimé jeudi 07 novembre son indignation vu les tensions actuelles entre la RDC et le Rwanda. Vital Kamerhe a même saisi le gouvernement qualifiant de très grave le fait pour les autorités provinciales  du Nord Kivu d’accorder autant d’honneurs à ce diplomate rwandais. 

Radio Moto Oicha s’est entretenue avec Nicaise Kibel’Bel Oka, journaliste d’investigation et écrivain. Il est également spécialiste des questions de défense et de sécurité en RDC.

Radio Moto Oicha : Comment interprétez-vous la colère de l’Assemblée nationale suite aux “honneurs militaires” réservés au ministre rwandais des Affaires étrangères à Goma ?

Nicaise: L’intervention de l’Assemblée nationale est épidermique et il faut l’éviter. C’est des négociations officielles au sommet de l’État. Le ministre Rwandais des Affaires étrangères arrive à Goma, en RD Congo, il est normal qu’on puisse lui donner des honneurs militaires. Ça n’a rien à voir avec le contexte de la guerre, nous sommes dans le contexte des négociations. Vous imaginez qu’un chef d’État, que notre chef d’État puisse aller à Kigali et Kagame lui envoie un policier pour le recevoir ? Non. Ce sont des réactions épidermiques. L’Assemblée nationale fait preuve de manque de maturité. On a reçu le ministre  Rwandais dans le cadre de négociations. Ce n’est pas qu’il est venu en touriste pour qu’on puisse lui donner des honneurs militaires. Et si un de nos ministres allait au Rwanda, il sera reçu aussi de la même façon. Donc, créer un problème là où il n’y en a pas, c’est dire que les députés manquent à faire. Donc, c’était normal et c’est normal qu’on puisse le recevoir parce qu’il est notre hôte. Imaginez qu’à la frontière, il puisse rentrer parce qu’il se sent en insécurité. Est-ce qu’il y aurait réunion ? Non. Le pays hôte a l’obligation de sécuriser tous les hôtes, tous ceux qui viennent chez lui et notamment des officiels. Donc, il n’y a pas à polémiquer, il n’y a pas de matière et l’Assemblée nationale manque à faire.

Radio Moto Oicha : Dans le contexte actuel des tensions entre Kinshasa et Kigali, était-il nécessaire ou prudent que le gouverneur du Nord-Kivu et d’autres officiers de l’armée et de la police accueillent chaleureusement le diplomate rwandais et se mettent « au garde-à-vous » ?

Nicaise: Un soldat ne salue pas par la main. Un soldat salue par le garde-à-vous. Même moi, étant civil, quand je donne cours à l’école de guerre, lorsque j’entre dans la salle, tous les officiers y sont majors, y sont lieutenants-colonels, ils se mettent au garde-à-vous, et je passe les officiers en revue. Le soldat ne salue pas par la main, le soldat salue par le garde-à-vous. Donc, il n’y a pas matière à discussion, ça se passe comme cela à travers le monde entier. Donc, il n’y a pas débat et il ne faut pas distraire la population congolaise.

Radio Moto Oicha : L’indignation de l’Assemblée nationale ne reflète-t-elle pas une contradiction entre les institutions de l’État ?

Nicaise : Effectivement, les indignations de l’Assemblée nationale montrent qu’elle ne comprend pas le rôle qu’elle doit jouer et le rôle des institutions de l’État, elle ne comprend pas [….] Donc ça, ça montre que l’Assemblée nationale est dans la théâtralisation. Elle veut faire croire à la population que ce qui se passe au sommet de l’État, elle n’est pas au courant. Et rappelez-vous qu’en 2009, c’était le même scénario entre le président de la République, Joseph Kabila, et le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Le même scénario en 2009 où le président de l’Assemblée nationale monte au créneau pour dire de quel droit le président de la République a  négocié avec l’armée rwandaise pour qu’elle entre au Congo. Donc l’histoire se répète et on ne doit pas tomber dans des pièges parce qu’après tout, on l’a vu, les deux personnes se sont coalisées. Donc, assez de théâtralisation, nous avons beaucoup à faire. On a besoin de solutions, on n’a pas besoin de jouer le mauvais jeu. Les institutions, tous, ils sont dans la vision du chef de l’État et ils doivent répandre  la vision du chef de l’État, surtout que même le président de l’Assemblée nationale est membre de l’Union sacrée.

Rédaction

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