Beni : des malades, incapables d’honorer leurs factures, s’évadent de l’hôpital général d’Oicha
Mercredi 11 octobre 2023, le médecin directeur de l’hôpital général de référence d’Oicha, au Nord-Kivu, a alerté que son hôpital éprouve à ces jours d’énormes difficultés de fonctionnement. C’est entre autre la diminution du stock des médicaments, la baisse de recettes, l’insolvabilité des malades. Une conséquence de l’insécurité dans la région qui a rendu la plupart d’habitants pauvres, estime la zone de santé d’Oicha.
Reportage à l’hôpital
Dans cet hôpital, le problème d’insolvabilité des patients est une réalité. A la maternité, comme dans d’autres services, plusieurs personnes incapables d’honorer les factures suite à la pauvreté commencent à s’évader de l’hôpital.
A la maternité par exemple, nous avons rencontré une femme qui a préféré garder l’anonymat. Déplacée de guerre du village MILIOTA en secteur de Beni-Mbau, elle a accouché par voie basse depuis environ deux mois, mais elle est bloquée à l’hôpital suite au manque des moyens financiers pour honorer la facture des soins.
« C’est depuis le 15 août 2023 que je suis arrivée ici pour accoucher. Je serais déjà libérée, mais je suis bloquée suite au manque d’argent. Nous n’avons plus accès à nos champs de MILIOTA où nous cultivions pour avoir des moyens. J’ai accouché par voie basse, ils m’ont taxé 63 dollars américain. Si on me vient en aide, je vais m’en réjouir », a-t-elle expliqué.
Dans le même hôpital nous rencontrons cette autre femme qui avait fui l’insécurité dans son village de Mutuweyi, en territoire de Beni à l’est de la RDC, et a accouché depuis plus d’un mois par césarienne, elle ne sait pas aussi comment quitter la maternité.
« Je n’ai pas d’argent, je suis déplacée de guerre venue de MUTUWEYI, et cela où nous trouvions de l’argent, mais on y va plus suite à l’insécurité causée par les rebelles de l’ADF/NALU. J’ai accouché par voie césarienne. L’hôpital nous a fait une facture de 90 dollars et l’enfant est en train de tomber malade. Même maintenant il va mal. Nous n’avons pas encore trouvé d’argent. Son père est ici, mais il n’a pas des moyens. Je veux vraiment sortir d’ici », se désolait la femme, les yeux fixés sur son bébé.
Elles sont actuellement 15 femmes en difficulté d’honorer leurs factures à l’hôpital général de référence d’Oicha. 5 autres se sont évadées il y a peu. Ces femmes sont pour la plupart des déplacées de guerre, des veuves des massacres. Mamy Kahindo Kaniki, sage femme et responsable de cette maternité, liste aussi des veuves des militaires morts au front.
« Nous avons constaté depuis le mois d’août qu’il y a 18 insolvables à la maternité. De ces 18 femmes, 5 se sont déjà évadées. Parmi elles il ya des veuves. Ici présentement nous avons 5 femmes dont les maris ont été tués dans la situation des massacres des civils », a affirmé la sage femme.
Dans d’autres départements de l’hôpital, comme en médecine homme, femme tout comme en chirurgie homme et en pédiatrie, la situation est inquiétante. Là aussi, la plupart de patients insolvables s’évadent de l’hôpital. Selon les sources médicales, au moins 20 malades y ont esquivé à l’espace d’un mois.
L’hôpital en difficulté de fonctionnement
Mercredi 11 octobre 2023, le médecin directeur de l’hôpital général de référence d’Oicha a alerté sur d’énormes difficultés de fonctionnement qu’éprouve cette structure sanitaire. Selon docteur Jérôme Munyambethe, cette situation est due à la baisse de recouvrement des recettes. Il parle d’au moins 30 pourcents des patients qui se font soigner dans cet hôpital sans être en mesure d’honorer les factures de soins suite à l’insécurité dans la région qui a plongé plusieurs familles dans la pauvreté.
Cette situation entraine la diminution du stock des médicaments et parfois la difficulté de payer le salaire du personnel soignant. Selon le médecin directeur, si rien n’est fait dans un futur proche, l’hôpital risquera de connaitre un chaos.
Docteur Jérôme Kambale Munyambethe est conscient que la solution durable à cette situation est le rétablissement de la situation sécuritaire dans la région. Mais, il appelle à l’implication du gouvernement comme il l’a fait avec le projet de financement basé sur les performances. Aux bonnes volontés, le médecin directeur de l’hôpital général de référence d’Oicha demande d’intervenir en faveur des patients qui sont dans l’incapacité d’honorer leurs factures de soins.
La zone de santé d’Oicha reconnait ce problème
Le médecin chef de la zone de santé d’Oicha reconnait ces difficultés. Se confiant à Radio Moto Oicha ce vendredi 13 octobre 2023, docteur Kambale Soheranda Shadrack parle d’un problème général pour toute la zone de santé. Plusieurs autres structures sanitaires sont en difficulté. Il affirme que la division provinciale de la santé, comme le gouvernement central, est informée de la situation.
Le médecin chef de zone salue ainsi l’endurance de tous les professionnels de santé qui œuvrent cette région en proie à l’insécurité, une insécurité qui n’épargne pas les structures sanitaires et le personnel soignant.
Nganga Victor Mbafumoja
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